Thierry Matioszek - Album - 1979 "Rainy night in Clichy"
LA CRITIQUE
Rock & Folk - Best
![]() R&F Octobre 1979  | 
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MATIOSZEK RAINY NIGHT IN CLICHY Polydor 2473 098 Quelques mots. Un timbre... La nuit. Personne ne vous appelle plus depuis longtemps... Un divan. Dehors, la pluie. Conditions idéales: vous succombez dans leurs bras. Ils s'y prennent tellement bien avec leurs disques où se plaquent tous les traumatismes, les passions, les souffrances et tous les spleens de la terre... Avec leurs phrases brûlantes, sublimant l'ennui, la destruction, la wild-side. l'amour ou la mort; véritables ou vains héros, sincères ou menteurs, leurs voix tombent à chaque fois comme les plus belles de l'année. Lou Reed, Lewis Furey, Elliott Murphy, David Bowie, Iggy Pop l'ont fait. Aussi je ne connais rien de plus délicat que de fourrer son nez dans ces thèmes mythiques et de chercher à voler des galons à ces, hum... demi-dieux (ou plutôt: poètes doués). Alors, oeillades suspectes à Matioszek. Examen de passage. Parce que justement, le monsieur déballe ses états d'âme avec des inflexions voisines de C'elles de Lou, d'Iggy ou de Bowie le séducteur. Méfiance, parce que chaque chanson rassemble un nombre étouffant de clichés scrupuleusement choisis, et que, comble d'insolence, Delaroche et Matioszek, les auteurs, réussissent leur effet. Ces noms devraient me rappeler quelque chose. Seulement, non. Je sais uniquement que cet album fut enregistré aux studios Ferber, et que Matioszek n'a jamais eu de chance avec ses disques précédents (quatre, m'a-t-on dit). Et ce qui me tourmente est que Matioszek pourrait bien ne pas se tirer de sa position d'(authentique) loser. Car si " Rainy Night In Clichy " se serait justement impeccablement intégré aux années, 72-77, les gens, aujourd'hui, en auront peut-être assez d'entendre les mêmes histoires, racontées par un type de plus, sorti d'on ne sait où... Et effectivement, ces titres " Such A Good Friend ", " Wild (side of?) Life ", sentent le Lou Reed rafistolé, l'Iggy réchauffé... Mais qu'en oubliant les années ce disque devient délicieux. Certes, on y parle beaucoup des villes et d'amour, sujets communs donc,~ mais j'aime l'ouverture, " Bloody Loser ", avec (exception de l'album) son petit tempo disco à la Patrick Juvet, frais comme un Ricqlès; les ouragan; Bévreux, " I'm Sick ", miroir du " Im Bored, I'm Sick " dIggy/New Values; ou son contraire, puisque Matioszek ajoute: " And life isn't a bore... ", " T.V. Child " au thème si 79 (I'm a TV child/I see what I want/I want what I see/Cos' I know what I need/Im a TV child/Never glad), " Such A Good Friend ", "Midnight Madness ", ces chansons nées de rencontres d'un soir, lorsque, à son paroxysme, la solitude vous pousse à aller chercher quelque chose d'autre ailleurs et que seuls vous retiennent le feu de l'esthétisme et l'incorrigible espoir; ballades douces amères pour s'endormir à l'ombre des mythes (" Well honey gimme a hero/And I'll give you a tragedy... "). Si l'on m'obligeait à formuler un seul reproche, je dirais que ce disque est trop sage. Même que, confronté au dernier titre de la seconde face, mélodie banale et cucul, la carence devient évidente. Il lui manque la perversité d'un Lewis Furey, la folie d'un Tom Verlaine, du malsain, du subversif, un peu de violence qui vous saute à la gueule, quoi. A moins que vous ne tombiez dès le début sous le charme de cette voix grave, chaude, profonde, et belle en dépit de tout. - MATHILDE DI BIANCA.  | 
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| MATIOSZEK "Rainy night in Clichy" (Polydor 2473 098) Thierry Matioszek a déjà réalisé trois albums avant ce "Rainy night in Clichy", trois albums que je n'ai jamais entendus, allez savoir pourquoi. Aussi ce disque qui est pour moi une étonnante, une alléchante révélation ne sera-t-il pour certains d'entre vous qu'une simple et évidente confirmation. Tant pis, je me laisse aller à la ferveur naïve de mon enthousiaste découverte. En toute honnêteté, je n'aurais jamais cru qu'un Français fût capable de chanter sans faillir les obscures errances urbaines d'un Lou Reed, ou les romances électro-acidulées d'un David Bowie. C'est pourtant ce que vient de faire Matioszek avec ce disque rempli d'un rock fiévreux, sublime et désabusé, qui évoque les plus belles réussites asphaltées de la musique urbaine. Avec sa voix qui râpe et enchante, avec son phrasé d'éternel paumé-poète des petits matins languissants, Matioszek se place dans la grande tradition des Bowie, Reed, Iggy Pop, Marc Bolan. Ce n'est pas un mince compliment, direz-vous, sceptique, mais sachez que Thierry le vaut bien, tant ce disque a l'amertume chaleureuse et l'aristocratisme décadent de tous ces seigneurs des caniveaux. Derrière le personnage de Matioszek, qui donne à l'évidence son ton à l'album, il y a aussi le travail de tout une équipe, d'un vrai groupe, qui fait du disque une petite splendeur de rock'n'roll moderne, digue d'être admirée par les tenants de la new wave comme par les amateurs d'un rock chaud et bien fait Les paroles, longs blues urbains cancéreux dévidés sur des rythmiques para-disco ou proto-punk, sont superbes de noirceur et de mal d'être (elles sont de Stéphane Delaroche, en anglais, et admirablement vécues par Matioszek). Et le son qui les soutient a toutes les brillances et les scintillances du rock modernisé par Bowie. Il faut dire que le groupe n'est pas composé des premiers venus puisqu'il comporte outre Thierry Matioszek, le grand Michel Ettori (ex Weidorje) dont la guitare retrouve la veine d'incandescence légendaire de James Williamson sur le " Raw power" des Stooges, Didier Batard (basse et plus ou moins Heldon) et Roger Rizzitelli (qui fit partie avec Batard du prestigieux groupe de Christophe du temps des "Paradis perdus " et des " Mots bleus"). Du très beau monde pour un rock encre et feu absolument terrassant "Rainy night in Clichy" est pour toutes ces raisons l'un des meilleurs disques réalisés en France cette année. 
 Hervé PICART  | 
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